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| | | | | | # Sujet: Re: La nuit porte conseil 30.01.23 15:18 | |
| D'aussi loin qu'il puisse s'en souvenir, Jorgen était toujours quelqu'un d'assez solitaire, tout du moins dans sa vie privé, en dehors de son métier qui lui demandait de voir des patients de tout âge, de toute origine, de tout sexe. Il aimait son métier, il aimait écouter et analyser le comportement d'autrui, de leurs paroles, de leurs rêves et cauchemars. Il aimait aider à sa manière. Il était un peu son contraire, puisque dans sa vie privée, il n'aimait pas trop la compagnie, pas de n'importe qui en tout cas. Il n'aimait pas parler de lui, ni même se confier, comme si que tout ce qu'il accumulait il était capable de le garder et de s'y faire. De nature assez distant, mystérieux, ses habitudes ne l'avait pas quitté, pas même après le crash de l'avion. Il s'était sortit tout seul de l'eau, s'était rendu jusqu'à la plage, et avait juste observé ce qui se passait, assit dans le sable lui collant à ses fringues, à sa peau. Comme s'il était en état de choc, mais ce ne fût pas le cas, pas à proprement parler. Il laissa des groupes se former, prenant les choses en main, et pour certains, ils utilisaient leur ancien métier, leur savoir faire pour aider les autres. Jorgen aurait pu faire partie de ces gens-là, mais voilà, ce n'était pas son fort, il n'était pas des plus sociables, et il se disait qu'un psy ne devait pas servir à grand chose, hormis écouter les tourments de chacun. Et à son sens, ça ferait un peu trop pour lui d'écouter toutes les craintes, leurs tourments, leurs cauchemars, et tant d'autres. Il aimait aider, mais pas au détriment de sa propre santé mentale. Et là, ça aurait fait beaucoup pour lui tout seul. Il ne pouvait que féliciter certains médecins, par exemple, qui arrivaient à aider les autres, et qui étaient pourtant si nombreux.
Alors, il fit son psy, loin des regards, constamment seul, et il analysa chacun d'entre eux. Les premiers jours, tout semblait normal, ce qui était tout à fait banal dans ce genre de situation, car l'entraide était de mise. Mais Jorgen n'était pas dupe, et le danois savait qu'au fur et à mesure, cela ne suffirait plus. Des personnes finiraient par sortir du rang, créant des troubles parmi le groupe. C'était la suite logique. C'était humain, et l'être humain était le pire lorsqu'il s'agissait de sa propre survie. Il en avait conscience, mais il n'en avisait personne, pas pour le moment.
Parmi tous ces gens, Jorgen avait repéré l'un d'eux : un médecin à en juger parce qu'il faisait à longueur de journée, ou un métier s'en rapprochant. Mais ce n'était nullement ce qui avait retenu son attention. Non, Jorgen était parfois insomniaque, et davantage encore sur cette île. Alors, plusieurs nuits d'affilées, il avait vu le sommeil agité de ce type, probablement proche de la quarantaine, il ne saurait le dire, car tout le monde semblait fatigué et donc plus âgé qu'en temps normal. Et cette nuit-là, il n'échappait pas à la règle, une fois de plus il semblait très agité, et il le vit même se lever pour s'éloigner un peu de l'infirmerie de fortune. Jorgen l'avait suivi du regard sans bronché, pas encore se disait-il. Ce n'était que lorsqu'il faillit le perdre du regard, qu'il se décida à se lever à son tour et d'essayer de le suivre. Il finit par le voir assit tout seul, sur un morceau d'épave de l'avion. Il se rapprocha de lui, sans même chercher à être silencieux ou quoi que ce soit d'autre. Cela serait bien pire de débarquer silencieusement, il pourrait lui faire peur, lui faire faire une crise cardiaque à la limite, et ce n'était nullement son but. Le danois se tint droit, non loin de lui, et observa juste l'horizon, le ciel, l'étendu d'eau à perte de vue.
« Désolé, ce n'était pas mon but. »
De toute évidence, sinon il s'y serait pris différemment. Ce n'était pas parce qu'il était solitaire, qu'il pouvait paraître mystérieux ou bizarre, qu'il était prêt à faire peur aux gens. Non, plus il les évitait, mieux il se portait. Son regard quitta l'horizon pour les porter sur l'homme qui lui adressa une question.
« Non, je suis du genre insomniaque à la base. Et vous ? »
Il savait juste qu'il avait eu un sommeil agité, mais il n'en connaissait pas encore la raison. Il s'était contenté de l'observer, ni plus, ni moins.
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| | | | | | | | | | | | | | | | # Sujet: Re: La nuit porte conseil 17.02.23 14:15 | |
| Jorgen ne disait rien, mais il n'en pensait pas moins pour autant. Ou tout du moins, depuis quelques minutes maintenant, l'ancien psychologue n'avait pu s'empêcher de remarquer la nervosité dont faisait preuve le médecin de l'île. Ce n'était pas la première fois qu'il lui souriait nerveusement, ou qu'il riait de la sorte. Toutefois, il se retint de lui en faire part. Pour le moment. Quant à savoir si Jorgen avait raison ou non, il n'y répondit guère. Premièrement car il n'en savait rien, ça lui paraissait tout simplement normal, logique, mais c'était plutôt propre à chacun. Deuxièmement, car il n'avait pas autant un grand ego que de penser de cette manière. Même s'il avouerait que ça pourrait tout de même être assez plaisant à entendre.
Il avait décroché son regard de l'horizon, quelque peu intrigué par son interlocuteur, et surtout car il comprenait bien que l'un comme l'autre tentait de sonder l'esprit de l'autre. De comprendre le comportement également, ce qui était presque devenu comme une sorte de petit jeu chez le danois. Il n'avait pas grand chose à faire sur l'île, il n'aimait pas trop parler de lui, il préférait rester en retrait, par conséquent il avait eu tout le loisir d'observer un à un tous les naufragés. Certains ne l'avait pas assez intrigué, ou même intéressé. D'autres en revanche semblaient tel un livre parfaitement ouvert, mais là encore une fois, c'était trop facile à déchiffrer en son sens. D'un simple hochement de tête, il lui répondit avec un certain défi.
« Allez-y, qui ne tente rien, n'a rien. Mais permettez-moi de vous souhaitez bon courage tout de même. »
Il était bien trop impassible pour laisser quiconque pénétrer dans sa tête. Peut-être qu'il le devait à son ancien métier qui lui avait juste forgé comme une barrière protectrice ? Il ne saurait le dire, mais nombreux avaient tenté de lire en lui, et ils visaient à côté de la plaque. Dans un sens, ça l'amusait, et il n'avait rien contre le fait que quelqu'un puisse s'y risquer. Au contraire même, il pouvait encourager ou défier la personne de le faire. Jorgen se tint toujours à la même place, fixant ce très cher médecin nerveux qui avait rompu le contact, voire même qui fit une tentative bien vaine de ne plus être dans sa ligne de mire pour passer sous son radar. Il avait cette très grande envie de lui demander pour quelle raison il semblait si nerveux, mais il se ravisa. Supposant que ce n'était pas encore le bon moment.
« Voyant ? On ne me l'avais pas encore faite celle-là. »
Il en riait, parce qu'il trouvait ça amusant, et c'était bien la première fois qu'on lui faisait une telle blague. Car sans nul doute que c'était un brin d'humour, non ? Il ne le pensait vraiment pas ? Non. C'était probablement une tentative pour se détendre lui-même avant que Jorgen finisse par lui dire qu'il le trouvait un peu trop nerveux, tout particulièrement ce soir. Mais à en juger par la suite de ses questions, il avait bien rapidement compris que Jorgen ne faisait clairement pas dans la voyance ou une toute autre connerie de ce genre. Laissant apparaître un sourire aux lèvres, le danois ne décrocha nullement son regard du sien.
« Mes patients me qualifiaient de doué, mais aussi comme étant une personne très déstabilisante. »
Il ne voyait vraiment pas pour quelle raison. Non, c'était faux, il le savait. C'était son regard qui donnait cette sensation. Il pouvait rester à fixer une personne dans le silence pendant de nombreuses minutes, comme s'il tentait juste de lire dans la tête des personnes, chacune de leur pensée, ainsi que chacun de leur fait et geste.
« Pour répondre à votre question. Rien n'est jamais facile. Mais il faut savoir creuser au bon moment, là où la personne commence à baisser ses barrières défensives, et où il est plus évident d'entrer dans sa tête en posant de simples questions qui ont l'air parfaitement anodines, si innocentes. Je dirais qu'il faut savoir un peu ruser. »
Tenterait-il le même genre de ruse sur Raphaël ? Probablement, et peut-être même qu'il ne le verrait pas venir. Ce n'était pas comme si que Jorgen prévenait lorsqu'il commençait à faire son psy après tout.
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| | | | | | | | # Sujet: Re: La nuit porte conseil 22.02.23 11:56 | |
| Jorgen ne savait pas encore qu'il faisait face à un compétiteur dans l'âme. Après tout, il pouvait réussir à comprendre certaines choses, à sonder assez facilement l'esprit d'une personne, mais cela ne voulait pas forcément dire qu'il savait tout au sujet de quelqu'un. Il ne lisait pas dans la tête des gens, ne connaissait pas leur histoire, qu'elle soit passée ou présente. Il l'apprenait petit à petit, en discutant, en posant des questions qui l'amenait à comprendre pourquoi une personne avait tel comportement, ou tel problème. Essayer de lire le comportement de quelqu'un pouvait semblait facile, en revanche essayer d'entrer dans la tête d'une personne, ça c'était un exercice plus difficile, même pour une personne ayant de l'expérience comme le danois. Alors quand le médecin de l'île lui précisa qu'il essayait, le psychologue attendit patiemment, sans broncher, toujours aussi impassible, et le fixant de son regard parfois perturbant.
Jorgen l'étudia tout en l'écoutant. Parce qu'il savait que parfois, quand une personne parlait en se focalisant uniquement sur ses propres mots, elle pouvait avoir des gestes qu'elle n'imaginait même pas, et qui pouvait être interprétait comme étant un indice pour un psychologue. Une personne étant traumatisée par exemple, aura des gestes assez nerveux, voire carrément traduit comme de l'angoisse, de la peur. Mais depuis le début, il voyait surtout de la nervosité chez Raphaël. Il ne savait juste pas qu'elle en était la raison. Le danois ne répondit pas tout de suite, il laissa tout simplement le médecin reprendre son discours. En soit, même si on voyait le danois comme un mauvais ami, il ne l'aurait pas mal pris, car lui-même pourrait douter d'en être un bon.
« Alors, si je puis me permettre, vous venez surtout d'analyser la plupart des psys lambdas. Certains arrivent à parfaitement concilier leur boulot et leur vie privée, d'autre ont un peu plus de difficulté. D'autres en effet, ne peuvent pas s'empêcher d'analyser leur propre entourage. »
L'avait-il déjà fait lui ? Non, il préférait éviter d'analyser son propre entourage, sa propre famille. Parce qu'il savait que s'il remarquait quelque chose, il ne pourrait guère s'empêcher de faire son foutu psychologue, et il en obtiendrait plutôt des reproches que des remerciements, ce qu'il pourrait aisément comprendre.
« C'est très gentil de me donner l'autorisation. Même si ça fait un moment que j'avais déjà commencé à vous sonder. »
Avoua-t-il sans pour autant dire à quel moment il avait commencé à l'observer, ni même quand il avait tenté d'entrer dans sa petite tête. Jorgen se déplaça enfin. Depuis qu'il avait rejoins le médecin, ce fût comme s'il était ancré dans le sable. Si imperturbable et bien trop occupé à fixer Raphaël. Et pour la toute première fois depuis plusieurs minutes, il avait légèrement détourné le regard. Il se permit ainsi de s'installer à ses côtés, et de nouveau, le fixa.
« Votre comportement traduit de la nervosité. Vos nuits quand à elles traduisent plutôt un mélange d'inconfort et d'un ou plusieurs tourments, peut-être bien. Quelque chose semble vous poursuivre au moment même où vous fermez les yeux, rendant votre sommeil agité. Vous êtes épuisé et en même temps vous refusez de lâcher l'affaire pour venir en aide aux naufragés qui se reposent énormément sur vous. »
Et ça, selon Jorgen, ce n'était que la surface de l'iceberg. Avait-il tort ou non, il savait juste que quelque chose semblait le tourmenter. Le tout maintenant, c'était de gratter un peu plus, et de s'immerger au coeur de l'océan pour arriver à voir l'autre face de cet iceberg. Mais pour voir cette face, comme l'avait si bien précisé Jorgen, il fallait savoir ruser. Car personne n'aimait parler avec autant de facilité de ses problèmes, de ses tourments justement. Il décrocha enfin son regard pour le poser sur l'horizon, affichant un bref sourire.
« Seulement un peu déstabilisant ? »
La ruse avait commencé depuis un petit moment déjà, sans même que Raphaël ne s'en doute. Le danois reporta toute son attention sur son interlocuteur en haussant brièvement les épaules, même si ce dernier préféra le fuir du regard. Il ne pouvait guère lui en vouloir, à sa place, il aurait probablement déjà fuis à toutes jambes depuis un moment maintenant.
« Votre question est rhétorique, n'est-ce pas ? Vous n'avez pas vraiment besoin de la réponse ? »
Car même si au début, le médecin ne s'en était pas rendu compte, avec sa question, il commençait à entrapercevoir que Jorgen essayait vraiment d'entrer dans sa tête. Alors le danois pensait sans un mal, que loin d'avoir un interlocuteur idiot, que ce dernier avait déjà une réponse à sa propre interrogation. Il ne savait juste pas à quel moment le danois avait commencé.
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