Au campement, ça discutait depuis le retour supposé de l'équipe d'expédition partie chercher Jordan le fils de Louise. Et comme à chaque expédition, je m'inquiétais toujours à m'en mordre les doigts. J'étais comme ça, à aimer les gens trop vite, à trop vite faire confiance et m'attacher. Mais c'était plus fort que moi, et depuis la naissances des jumelles ça n'allait pas en s'arrangeant. Tout m'inquiétait plus, plus vite et plus fortement. Et là, ce n'était pas juste des personnes du campement en expédition, trois d'entre eux étaient des personnes à qui je tenais beaucoup, chacun dans son unicité. Du coup, tout en faisant ce que je pouvais comme toujours pour aider au campement. Même quand je m'occupais des jumelles, je faisais les cent pas, je jetais un regard en direction de la forêt, et quelque chose me prenait aux tripes. Une sensation désagréable me disant que quelque chose n'allait pas sans savoir quoi.

Les discussions voyaient beaucoup de voix s'élever qu'il serait trop dangereux d'aller voir ce qui avait pu arriver à l'expédition, mais ce n'était pas mon cas. J'avais dit haut et for que je trouvais ça dégueulasse et que je savais pertinemment qu'eux ils ne nous auraient jamais laissé tomber. Le problème, c'est les jumelles qui m'empêchent d'y aller. Sinon je serais déjà partie. Mais l'idée me bouffe de l'intérieur, rester là alors qu'ils sont peut être à affronter des dangers qu'on n'imagine même pas. Et je sens que l'ambiance me met une pression psychologique qui me plonge dans un état au bord de la crise de nerfs. Rien que l'idée de voir les jumelles grandir sur cette île aux multiples dangers me mettait déjà dans un état psychologique....compliqué. Une nuit, je me réveille un peu avant l'aurore et quand je regarde les filles et Freya qui dort, plusieurs scènes me reviennent en mémoire. Louise qui nous a aidé à faire accouché Freya, Tony qui m'avait aidé à les garder, Ben et son attitude de dur à cuire. Je ne pouvais plus rester là sans rien faire. Je fis un sac de provisions en cachette et quittai le campement décidé au moins à trouver le moindre signe que les membres de l'expédition étaient en vie. Avant de quitter notre abri, je jettai un dernier regard aux filles et à Freya je murmurai tout bas.

Je suis désolée.

Rapidement après m'être mis en chemin, cette sensation qui me disait depuis le début de cette expédition que quelque chose n'allait pas s'intensifia. Une petite voix me disait que mon idée était ridicule, que je n'arriverais à rien et elle n'avait pas tort. Seulement elle parlait nettement moins fort que mon coeur hurlait d'inquiétude. Ma seule expérience pour les retrouver était mes quelques expériences de camping et les conseils de mon père pour me retrouver en forêt. Je crus distinguer une série d'empreintes qui, je l'espérais, pouvaient être les leurs. Je les suivis, déterminée à aller jusqu'au bout peu importe ce que je trouverais. Des images de scénarios catastrophes défilaient dans mon esprit avec eux blessés, morts, ou ayant fui en nous laissant derrière. Je chassais ces images de ma tête tout en continuant à avancer. Traverser cette jungle est bien plus pénible que je ne l'imaginais, je trébuche plusieurs fois, me cache dès que j'entends un bruit suspect. Je finis par arriver dans une partie de la forêt qui me donne la chair de poule au vu d'objets étranges et menacants qui trainent. J'entends un bruit, je me retourne et trébuche, une fois de plus. En commençant à me relever je distingue une silhouette familière.

Ethan?

En voyant Ethan, même si je ne le connaissais que très peu, de vue seulement, mes yeux se remplirent d'espoir. Il avait peut être vu les autres ou au moins aurait il une idée d'une direction vers laquelle ils auraient pu allé. Au milieu de ces pensées, ce picotement dans la nuque et cette sensation que quelque chose ne va pas qui me prend intuitivement. Mais la fatigue de traverser cette forêt rend toute réflexion plus pénible. Et je ne suis concentrée que sur l'idée de retrouver les autres. Je continue à me relever péniblement avant d'avancer vers lui de quelques pas.

Je cherche les autres, ceux qui sont parti à la recherche de Jordan, tu ne les as pas vu? Personne ne voulait y aller, mais je pouvais pas rester sans rien faire.

Je mettais ce ressenti négatif sur l'ambiance sombre que cet endroit renvoyait. Après tout, c'était normal de ne pas se sentir à l'aise dans une endroit comme celui-ci. Je regardais autour de nous au cas où un animal roderait dans les parages et une interrogation passa sur mes yeux en reposant mon regard sur Ethan. N'était il pas censé être avec le reste de l'expédition? Je ne savais plus, je n'avais pas fait toute ma nuit, plus la fatigue de venir jusqu'ici, je n'avais plus les esprits clairs. Et je n'aimais pas douter des gens, mais cela me posa question créant un silence de plusieurs secondes. Cette sensation de danger qui me grattait la nuque revint à moi comme dans une nouvelle vague qui me fit subir un frémissement dans tout le corps. Le fait était que j'avais besoin de son aide et je chassai donc les doutes qui m'emplissaient l'esprit.

Mais tu étais avec eux non? Qu'est ce qui s'est passé? Tu sais s'ils vont bien?

Un léger détail attira alors mon attention, les traces de pas au sol. Il y en avait plus que juste d'un ou deux passages, comme si il y avait des passages répétés dans le temps sur cet endroit. Le mélange d'émotions que ça créa en moi me faisait être de plus en plus en proie à l'inquiétude et à la peur qui commençait à m'envahir. Aux prises avec celles-ci, j'eus un réflexe irréfléchi de faire un pas de recul comme si je me sentais ne pas devoir être ici.

Je l'écoute m'expliquer ce qui leur est arrivé et comment il aurait réussi à s'échapper. Je le crois, ou alors j'ai envie de le croire mais il y a toujours cette inquiétude qui me prend sans comprendre pourquoi. Il y a un détail qui m'intrigue dans son explication ou pas exactement dans celle-ci. Le fait qu'il n'ait l'air d'avoir aucune blessure me surprend. Et pourtant j'ai profondément envie de le croire du fait qu'il est des nôtres et plus que ça, j'ai besoin de le croire car j'ai l'impression que je  n'arriverai pas à les retrouver toute seule. Avec la fatigue, mon moral est fragile et je sens que cette enveloppe d'inquiétude ou de peur autour de moi est comme le poids de trop qui va me faire craquer.

Mais....tu as une idée dans quelle direction ils sont allé? Je peux pas rentrer...pas sans eux ou au moins...quelque chose.

J'avais eu inconsciemment un pas de recul qu'il avait comblé presque tout de suite avec un pas en avant en me demandant ce qui n'allait pas. Je ne savais pas quoi lui dire ni avec quel mot, mais cette sensation restait là comme un message subliminal que je n'arrivais pas à comprendre. Mon esprit embrumé par la fatigue m'empêchait de savoir. Je lui répondis en élevant ma voix, frustrée de cette incompréhension et sous le poids de mon inquiétude pour mes amis. Les savoir prisonnier de ces...gens était un poids supplémentaire sur mon esprit qui se fragilisait presque à vue d'oeil.

Je...je sais pas ok! J'en sais rien. J'ai peur mais je peux pas les laisser tomber.....Je dois les retrouver, coûte que coûte....

J'en avais les larmes aux yeux, tout ça commencait à être trop pour moi. Ma nervosité devenait visible, presque instable. Je regardais frénétiquement autour de moi tous mes muscles raides de cette peur qui me prenait dans chaque part de mon corps. Et machinalement, je sentais que mon cerveau produisait des doutes sur Ethan et ça non plus je ne comprenais pas pourquoi. Il avait l'air sincère. Je crois. Mais alors pourquoi je restais persuadée que quelque chose n'allait pas. Je lui jetai un regard qui laissa paraitre toute ce mélange d'émotions chaotique qui fragilisait mon esprit

Je restais aux prises entre deux pensées qui s'opposaient en moi. D'un côté le regret d'avoir laissé Freya et les filles au campement me faisant me sentir coupable de les avoir laissé là bas pour venir ici comme une idiote. Ce regret était alimenté par cette peur qui grandissait en moi dans cette zone étrange et pas rassurante ou même l'air me donnait l'impression d'être plus lourd qu'ailleurs. De l'autre côté, j'avais cette détermination de trouver la moindre trace indiquant que les autres étaient en vie, il me fallait quelque chose que je puisse toucher, que je puisse voir sinon ce serait un échec qui aurait le goût de la trahison envers chacun d'entre eux. Mon cerveau se déchirait entre ces deux extrêmes sans savoir laquelle était la plus judicieuse ou la plus juste ou simplement censée. J'écoutais Ethan et je savais qu'il avait raison, je n'étais pas une combattante ni une exploratrice comme d'autres, venir ici était stupide et irréfléchi. Et pourtant....

Pourtant, une part de moi n'arrivait pas à se résoudre à accepter ce qu'il suggérait. Je sentais que partir maintenant sur la simple parole d'Ethan ferait que si je rentrais au campement, les jours et les nuits seraient remplies en plus de cette inquiétude viscérale, d'une culpabilité dévorante. Je réalisais que je n'avais aucune chance auprès des natifs, seule ou avec Ethan, c'était de la pure folie. Mais dans cette réflexion frénétique et plus automatique que consciente, des images flash de Louise, Tony et Ben apparaisse dans mon esprit. Et au fil des secondes qui passent sans regarder Ethan, ma raison voulant retourner au camp ne suffisait plus à faire taire cet élan de mon coeur à les retrouver peu importe le prix à payer. Mon souffle se calma, j'arrêtai de m'agiter, les bras détendus le long du corps, je plantai très calmement mon regard dans celui d'Ethan.

Ethan, je sais que tu as raison. Mais crois tu que si j'ai quitté ma femme et mes deux filles que j'aime plus que tout au monde pour retrouver les autres, je vais m'arrêter sur une simple recommandation. C'est stupide, c'est vrai, mais je ne rentrerai pas. Pas avant d'avoir trouvé une preuve qu'ils sont en vie.....

Ma rationalité et mon instinct de survie me criait de faire demi tour, mais mon coeur et mon affection pour ces trois amis avait pris définitivement le dessus me donnant un regain d'assurance et de détermination. Je savais que si je faisais demi tour maintenant je ne pourrais plus jamais les regarder dans les yeux, si j'avais la chance de le faire encore au moins une fois. Et comment avoir la force d'élever mes filles si je décidais de me trahir moi-même et mes proches à la première occasion? Je devais le faire, pour Louise, Tony et Ben, ainsi que pour Freya, Iona et Hope.

Je n'étais pas insensible au bon sens d'Ethan, mais je savais que si je faisais demi-tour maintenant je m'en voudrais à tout jamais de ne pas avoir au moins essayé jusqu'au bout. D'un autre côté, j'avais l'impression de trahir Freya et les filles en partant ainsi sans rien dire à personne, mais l'indécision qui régnait au campement me rendait folle. Et je savais que Freya pourrait s'occuper des filles même si elle se rongerait les sangs pour moi quoi qu'il arrive. Toutes ces pensées et émotions en plus de la fatigue m'avait presque fait totalement craqué mentalement au point de me sentir désorientée et même de douter d'Ethan un instant suite à son histoire. Mais ensuite, à mon propre étonnement, j'avais retrouvé un calme en revoyant tous ces souvenirs liés à plusieurs compagnons de l'expédition qui me défilaient presque littéralement devant les yeux. Ce calme était comme un choix du coeur de refuser de les laisser tomber, quoi qu'il m'en coûte.

J'écoutais Ethan avec ce calme retrouvé et un regard empli de détermination m'assurer que quand il était avec eux ils allaient bien. Mais qui sait ce qu'il avait pu se passer entre temps aux mains de ces natifs mystérieux et dangereux. J'étais cependant touchée sincèrement de l'inquiétude que manifestait Ethan à mon égard et je comprenais comment ma décision pouvait paraitre insensée voire totalement folle. Je n'avais rien d'une aventurière ou d'une combattante comme d'autres survivants mais ça ne me ferait pas reculer pour autant, aussi dingue que ça puisse paraitre. J'étais déjà en train de devenir folle au fil des mois sur cette île de toute façon et je doutais que qui que ce soit puisse se prétendre sain d'esprit après tout ce temps passé ici sans aucun espoir concret de retrouver nos anciennes vies. Je plantai mon regard dans celui d'Ethan en posant une main sur son bras et un sourire exprimant la gratitude que j'avais pour son inquiétude.

Ethan, rentres si tu pense que c'est le mieux, je te remercie de t'inquiéter pour moi mais je ne rentrerai pas avec toi. Désolée.

Un bref silence après ma phrase en gardant mes yeux ancrés dans les siens, avant de me détourner de lui pour continuer mon chemin. Il y a des moments où vous vous dites que vous devriez savoir ce qui se passe vraiment, que le signe était là d'une manière ou d'une autre. J'avais comme depuis le début de ma rencontre "inopinée" avec Ethan ce frissonnement dans la nuque et j'aurais dû lui donner de l'importance et comprendre que cette sensation n'avait rien à voir avec la température. C'était un avertissement mais j'avais naïvement décidé de l'ignorer et de faire confiance à Ethan, je n'avais aucune raison de ne pas le faire, pour le moment.

D'un côté, j'aurais du écouter cette intuition, et d'un autre aucun réel signe ne m'avait permis de douter de la bonne foi d'Ethan. Ses dires et son attitude avait tout pour me rassurer et me convaincre de sa loyauté, même si cela n'avait pas suffit à me faire abandonner la volonté de retrouver les autres membres de l'expédition. Mon amitié envers plusieurs d'entre eux m'empêchait d'abandonner et cela me donnerait trop l'impression de les laisser tomber. Ma loyauté à leur égard était bien plus importante qu'envers tout le campement réuni.

Je m'étais dirigée pour reprendre mon chemin après avoir expliqué à Ethan que je ne pouvais pas laisser tomber mais qu'il était libre de faire ce qu'il voulait. Je ne pouvais l'encourager à me suivre dans ce qui était probablement un plan déraissonable que me poussait mon coeur à entreprendre. A peine eus je pus faire quelques pas que j'entendis des mots prononcés par celui que je croyais de notre côté qui n'avait aucun sens pour moi à cet instant. Je me demandai une seconde ce qu'il signifait par ceux-ci et alors que je suis dans cette interrogation surprenante, ce bras qui vient serrer ma gorge et en même temps cette main sur ma tête. Alors que l'air ne peut plus rentrer, je traverse une stupeur, un regret, une incompréhension et une peur presque incontrôlable, allait il me tuer ici et me priver de tout? Et rapidement, le noir de l'inconscience arriva alors que j'essayais vainement de me débattre en attrapant son bras ou tapant de ma faible force derrière moi sans résultat.

Le temps de cette inconscience m'est totalement inconnu. Le réveil n'est que l'instant de conscience suivant pour moi alors que je me réveille adossée à un arbre et en reprenant mes esprits je sens rapidement que mes mains sont liées dans mon dos. Mes yeux s'ouvrent lentement alors que je me remémore ces derniers instants en discernant Ethan face à moi, celui à qui je n'aurais pas du faire confiance malgré les apparences. Mon regard commença par se teinter de cette stupeur avant de se laisser afficher une déception qui se transforma au fil des secondes de ce silence en froide colère.

A quoi tu joues Ethan? Tu veux me ramener de force à la plage? Qu'est ce qui te prend?

Il m'était encore impossible de concevoir le moindre doute sur d'autres raisons que de vouloir me protéger contre mes propres motivations qui étaient probablement contre mon propre bien et muées par un désir de se sacrifier pour ceux qui comptaient pour moi. La réalité était bien trop invaisemblable pour que mon esprit puisse l'envisager, et elle me tomberait sûrement sur le visage avec une force que ma faible santé mentale restante aurait du mal à encaisser, mais jusqu'à quel point.